Famille Carsenac et de Rumet-Carsenac
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Domaines de la famille Carsenac et de Rumet-Carsenac en Limousin et Marche
 
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 Une chambre d'invité

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Kaeronn_

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MessageSujet: Une chambre d'invité   Une chambre d'invité EmptyLun 19 Avr - 14:48

Il avait devant lui un autre petit couloir. Différentes portes trouaient les murs, et la plupart étaient ouvertes. Et il croyait de loin voir un lit dans l’une d’elle. Se rapprochant tranquillement, il aperçut effectivement un lit à baldaquin, une petite commode et un petit bureau dans la pièce. Parfait. Exactement ce qu’il lui fallait. Le tonnerrois pénétra donc dans la pièce tout en enlevant l’arc qu’il portait toujours en bandoulière. Il le déposa au pied du lit, ainsi que son carquois contenant ses flèches. Il dénoua sa ceinture pour laisser également le fourreau contenant son épée. Machinalement, il tata de sa main le bas de son dos pour vérifier que son poignard y était toujours présent. Jamais sans arme, jamais. Il valait mieux avoir toujours un argument sous la main, au cas où. C’était généralement sur la route qu’on se faisait surprendre par des brigands, et non dans la demeure d’une noble, mais…

On ne savait jamais. Mieux vaut être trop prudent, que pas assez.

On se verra bientôt Jabor , commenta tout haut Kaeronn. Bientôt…

Il alla à la fenêtre donnant sur la cour du château. Il ne voyait plus Elric, ni Tiroll. La soirée ne tarderait pas à tomber. Il revint sur le lit, s’y posa un instant. Puis quand il jugea avoir laissé assez de temps à l’intendant pour s’occuper de Tiroll plus que de principe, et vaquer à une ou deux affaires dehors, il se releva pour marcher dans le château et trouvait un endroit où discuter avec l’homme.

[Suite « salon et salles de réception »( ?)]
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Kaeronn_

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MessageSujet: Re: Une chambre d'invité   Une chambre d'invité EmptySam 15 Mai - 3:03

Kaeronn n'avait pas entendu les dernières paroles de l'intendant, alors que celui-ci se préparait semblait il à une petite sieste. Peut être en attendant Sindanarie. L'accueil de l'homme, ainsi que sa façon de parler de sa... sa quoi d'ailleurs, sa dame? Non, pas vraiment justement. C'était son mentor, son élève serait donc plus juste. Toujours était il qu'il soupçonnait un lien bien plus fort que de simple valet à maitresse entre Elric et la dame de Viam. Généralement, c'était tout un autre monde que d'entrer dans un château, autre que celui de Sindanarie. On devait patienter dans plusieurs antichambres ou la cour, avant d'être appelé par un valet conservant un visage parfaitement neutre. Si ce n'était pas des gardes du corps l'épée à la hanche. Ensuite seulement, on pouvait espérer voir son hôte s'il n'était pas trop important. La, il fallait l'avouer, il avait battu un records grâce à Elric. A peine quelques instants passés au domaine de Viam, qu'il avait pu boire. D'habitude, fallait attendre un bout de temps, pour un demi verre de boisson sucré mais beaucoup trop douce.

Kaeronn referma la porte de sa chambre et contempla un court instant le lit s'offrant à lui. Nul doute qu'il dormirait bien. Non pas parce que le lit semblait douillet, mais simplement parce qu'il n'était pas difficile, et devait souvent dormir à la belle étoile. Laissant un léger sourire percer sur son visage, le tonnerrois se dévêtit pour se coucher sur le lit, mains derrière sa tête, yeux dans le tissu du lit à baldaquin à défaut d'étoiles. Comment avait il pu se retrouver ici? Pourquoi réellement avait il pris à la lettre l'invitation de Sindanarie? Il ne se l'expliquait pas vraiment lui même à vrai dire. Il n'avait de plus pas forcément besoin de passer dans le Limousin, mais il avait voulu. Son inconscient lui avait dit d'y aller, de découvrir cette demeure, et surtout, il avait eu le très maigre espoir de croiser Sindanarie. Comme quoi, il avait eu raison, puisqu'elle serait la demain.

Ses yeux se fermèrent doucement, au fur et à mesure qu'il pensait, jusqu'à ce qu'il somnole complètement.


***

Un coup à droite. Un coup à gauche. Un autre coup à gauche. Il se penche sur l'encolure du cheval, murmure quelques mots à son oreille. Un sifflement au dessus de sa tête. Un autre sur sa droite. Les flèches qui n'aspiraient qu'à se planter dans sa chair se perdent entre les arbres alors qu'il continue de diriger adroitement sa monture entre les troncs. Leane est partie devant, à bride abattue, comme il le lui a crié. Jabor ne devrait plus tarder à le rejoindre. Un nouveau sifflement, un hennissement d'effroi, en même temps que le cheval s'effondre à terre, projetant Kaeronn par dessus le garrot. Une roulade dans un réflexe, qui atténue un peu la chute, sans pour autant soustraire une vive douleur à l'épaule gauche que le tonnerrois ressent d'un seul coup.

Merde.

Il se relève précipitamment, sort une flèche de son carquois tout en se planquant derrière un arbre. Sa monture pousse quelques râles un peu plus loin, semblant souffrir plus que jamais de sa chute et de la profonde entaille dans son flanc, où seul l'empennage d'une flèche reste visible. Ils n'ont pas tiré de loin. Il bande son arc, mais se rend compte rapidement que son bras gauche tremble légèrement alors que son épaule l'élance, l'empêchant de correctement tenir l'arc en main.

Merde, je suis mal.

Il écoute attentivement, repère au bruit deux brigands du côté droit. Pourrait il viser correctement? Si ce n'était pas le cas, il devrait se battre au poignard, il ne faudrait pas compter sur l'épée à deux mains. Un cri étranglé, devant lui, plus loin. Un brigand de mort? Un bruit d'os qui craque, une voix qui crie au danger. Jabor devait être la, et venait de les prendre à revers. Soudainement mais silencieusement, Kaeronn tourne sur un quart du tronc pour scruter le plus vite possible la pénombre des bois. Les arbres sont encore écartés à cet endroit, ce pourquoi il avait choisi de s'y enfoncer pour protéger la fuite de Leane. Il peut ainsi distinguer une ombre facilement, qui se mouve entre les feuillages, courbée en deux. Il vise un très court instant, laisse la flèche partir en sifflant pour venir se planter à quelques pouces de la tête du gredin. Raté. C'était rare maintenant pour lui, de rater une cible qui ne l'avait pas encore découvert. Maintenant en revanche, c'était le cas.

A reculons, sans s'affoler, le tonnerrois se glisse derrière les arbres, tentant au bruit de suivre l'avancé de Jabor. Il n'a pas eut le temps de compter les assaillants, mais il estime ceux ci à une petite dizaine au nombre de flèches. A terrain découvert, aucune chance, même pour un combattant comme Jabor. Quoique... le guerrier était puissant. Il aurait sans doute pu à la réflexion. Lui serait mort, surtout avec une épaule douloureuse. Mais la, dans les bois, les brigands s'étaient légèrement séparés apparemment pour tenter de l'encercler. Jabor saurait en profiter.

Un grognement au loin. Son ami venait sans doute d'entrainer un troisième brigand dans la mort. Un craquement, juste à côté. Le tonnerrois n'a que le temps de lâcher l'arc et la flèche encochée pour tirer son poignard de la main droite et bondir sur le côté pour éviter l'épée qui s'abat sur le tronc d'à côté. Un nouveau saut et c'est sauvagement qu'il plante son poignard dans la poitrine de son assaillant.


***

Il se réveille en clignant des yeux. Ses pieds cherchent le bout des draps pour mieux les rabattre. Il glisse une main sur sa bouche pâteuse, l'ouvre, la referme, puis après réflexion, saute sur ses pieds pour aller regarder par la fenêtre. Il devait faire encore tôt, le soleil pointant à peine son disque jaunâtre à l'Est. Que faisait il ici déjà?

Sindanarie!

Un sourire se forme sur ses lèvres. Kaeronn se sent tout guilleret, impatient même de faire la surprise à la dame de Viam de sa présence. En espérant qu'elle soit appréciée évidemment... Un brin de toilette plus tard, le voila qui sort de sa chambre, en chemise, braies et bottes. Bien décidé à découvrir si Elric et lui n'ont pas été rejoint par un chevalier. Femme qu'il avait battu en duel, et dont il répondait aux lettres quand ce n'était pas lui qui écrivait. Femme qu'il voulait tout simplement revoir.
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MessageSujet: Re: Une chambre d'invité   Une chambre d'invité EmptySam 14 Aoû - 13:37

Un éclat de rire avait répondu aux boutades de Kaeronn, et elle n'avait pas répliqué en prenant la tête pour remonter des caves. Quand ils revirent, une vingtaine de marches plus haut, dans le couloir, Sindanarie lança un "Je reviens dans, euh... Peu de temps, normalement" et s'éloigna d'un pas rapide, lampe en main, pour sortir du bâtiment. Première étape : les cuisines, pour restituer ce qu'elle avait emprunté. Autant régler tout de suite cette affaire. Deuxième étape : le logis d'Elric, pour lui emprunter quelques habits. Il avait tenu, lorsqu'ils s'étaient installés à Viam, à occuper un bâtiment bas adossé à l'intérieur des remparts. Il ne voulait pas qu'on puisse jaser, avait-il dit. Et, avait-il sans doute pensé, ça lui permettrait de conserver une certaine liberté, ce qui était indispensable pour quelqu'un de sa trempe. Il avait l'indépendance dans le sang, et loger sous le même toit que sa p'tiote, comme il l'avait toujours appelée, aurait sans doute constitué un trop grand changement. Pour lui, surtout.

Bientôt elle fut à l'extérieur, à traverser la cour pour toquer à la porte de son intendant-mentor-professeur-protecteur. Et quand une voix bourrue l'autorisa à entrer, elle poussa le battant pour se trouver face à Elric. Enfin, face à Elric, c'était beaucoup dire. Elle tomba sur lui alors qu'il affûtait une lame, geste dont il était coutumier en cas de nervosité et qu'il avait transmis à Sindanarie. S'il savait combien de nuits elle avait ainsi passé penchée sur ses épées et poignards... Sans s'appesantir sur cette considération, elle commença, avec un grand sourire à la limite du béat :


Elric ? Je peux t'emprunter des vêtements ?

Pour couper court à toutes les questions et remarques plus ou moins ironiques qui pouvaient venir et qui viendraient certainement si elle n'enchainait pas immédiatement (du genre "M'enfin, ça fait au moins dix ans que tu ne m'as plus piqué de vêtement, depuis qu'il est impossible qu'on te prenne pour mon fils, qu'est-ce qui t'arrive ?", "Qu'est-ce que tu as fait pour te retrouver dans cet état ? Si c'est l'voyageur, j'lui défonce la tête", "Ben dis donc, t'as pas souri comme ça depuis qu'ton Lieutenant est mort", "Si tu veux me dévorer, fais gaffe à tes dents" ou autre "J'croyais que ça t'avait passé, de jouer dans la boue, tu retombes en enfance"), il n'y avait pas trente-six solutions. Aussi, en habituée des réactions de l'ancien mercenaire, la jeune femme continua sans lui laisser le temps d'en placer une, composant légèrement son expression pour éviter qu'il ne lui fasse remarquer une trop bonne humeur pour le jour où débarquaient les légitimes :

Pas pour moi, pour Kaeronn. On est restés suffisamment longtemps sous la pluie pour être trempés jusqu'à l'os, et il n'a rien pour se changer.

Deux ou trois phrases suffirent à raconter la chute dans la boue, l'équipée à la taverne de Viam et la dérouillée aux fléchettes. Seuls un éclat de rire d'Elric et un hochement de tête y répondirent, donnant l'autorisation de récupérer dans le coffre une tenue à prêter. Il s'était drôlement sédentarisé, constata Sindanarie. Il n'y avait pas dedans qu'une tenue de rechange, comme au temps où ils voyageaient ensemble. Il y en avait deux ou trois, et une était nettement plus reluisante que les autres. C'était celle qu'il portait quand il la rejoignait dans un contexte plus ou moins officiel... Comme lors de la conférence à l'Académie. Il avait pris soin de sa tenue alors, elle en avait été surprise. Chaque fois qu'on les voyait ensemble dans un contexte qui justifiait qu'elle le présente comme son intendant, il faisait en sorte de lui faire honneur. A croire que leur relation s'était inversée quand elle avait grandi et quand il avait vieilli. Au départ, il la protégeait et elle essayait de lui prouver qu'il ne perdait pas son temps, à présent c'était elle qui lui offrait un abri et lui qui l'en remerciait en le gérant parfaitement et... Bref. Prélevant braies, bas et chemise (il ne faisait pas un froid terrifiant dans la demeure, cela suffirait sans doute), elle se redressa et sourit à son mentor avant de lui coller une bise sur la joue, dans une démonstration inhabituelle d'affection. Oh, elle l'adorait, mais n'avait pas coutume de le montrer, même à lui.

Tu es un ange, merci beaucoup !

Et elle fila, toujours souriante, les vêtements sur le bras. Direction la demeure en elle-même, naturellement. Mais, une fois que la jeune femme en eut poussé la porte, elle dut se rendre à l'évidence. Elle ne savait pas où chercher Kaeronn. Si Elric l'avait installé quelque part ou s'il l'avait laissé s'installer, il ne lui avait pas dit où. Autrement dit, elle se trouvait contrainte à essayer toutes les portes jusqu'à tomber sur lui. Un léger sourire passa sur son visage. Ca n'avait aucune importance, après tout, ce ne serait qu'un contretemps mineur. Il suffisait d'être méthodique... Et s'il y avait bien quelque chose qu'on ne lui avait pas reproché récemment, c'était de ne pas être méthodique. Elle passa donc la tête par toutes les portes qui croisèrent ses pas - ou que ses pas croisèrent, au choix - après y avoir frappé pour s'annoncer, et toutes se révélèrent vides jusqu'à ce qu'elle trouve enfin (façon de parler, c'était une demeure modeste par rapport à bien des châteaux construits sur des Vicomtés et autres Baronnies, sans parler des châteaux des capitales des différentes provinces du Royaume) une pièce occupée parmi les quelques chambres qu'elle réservait à d'éventuels invités.

Par principe, comme pour les quelques portes qui avaient précédé, Sindanarie avait toqué avant de pousser le battant. Quand elle découvrit la pièce, la jeune femme ne put contenir totalement sa surprise de voir tout l'attirail de Kaeronn. Au moins, avec toutes ces armes sur le dos, il était presque assuré qu'on le laisse voyager en paix... Arc et flèches, épée. Le poignard dont elle se souvenait, par contre, n'était pas visible. Soit il avait perdu l'habitude de le porter, soit il l'avait sur lui. Considérer seulement ce qui était visible devait être suffisant pour décourager un brigand peu endurci. Et pour les autres, un exercice pratique constituerait sans doute un brusque retour à la réalité...

Coupant court à ces réflexions, en espérant qu'elles n'avaient pas duré suffisamment longtemps pour être gênantes, Sindanarie sourit à Kaeronn en lui tendant son butin en lui disant :


Tenez, c'est à Elric, j'espère que ça vous ira à peu près... Bien, maintenant, si vous permettez, je vais me grimer histoire d'être enfin au sec !

Et, lui collant sans plus de cérémonie les habits dans les bras, Sindanarie fit demi-tour pour retourner à sa chambre quand elle se ravisa. C'était par trop tentant, et s'il y avait bien une chose à laquelle elle ne résistait pratiquement jamais, c'était la tentation... Du moins, quand il s'agissait de faire une remarque. Langue trop bien pendue, lui avait-on souvent reproché. Peu importait, à cet instant. Se retournant, elle lui lança, sur le ton de la plaisanterie :

Vous savez, le Limousin est assez sûr en ce moment, vous n'aviez sans doute pas à vous encombrer de tout ça !

C'était même assez vrai... Il n'y avait guère que le trio Maine-Anjou-Bretagne qui pouvait poser quelques soucis à ce moment. Et de nouveau, Sindanarie repartit vers l'escalier, pour monter les degrés qui la mèneraient à sa chambre et à des vêtements secs. A des vêtements de femme secs. B*rdel d'Aristote. Ca lui apprendrait à partir comme une furie de son camp.
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MessageSujet: Re: Une chambre d'invité   Une chambre d'invité EmptyMar 24 Aoû - 23:53

Une fois que la jeune femme l'eut laissé seul, le tonnerrois s'était gratté le front. Sans doute était elle partie chercher les vêtements promis chez Elric. Bon ben maintenant, fallait qu'il se débrouille pour aller la où Sindanarie pourrait le retrouver. Et comme il n'aimait pas rester sans bouger, à rester planter comme un idiot dans un couloir, il préféra retourner dans la chambre qu'Elric lui avait montré. Il ne lui fallut pas plus d'une erreur pour pénétrer dedans. La demeure n'était pas non plus immense (enfin ça dépendait pour qui), et il avait bonne mémoire.

Kaeronn embrassa la pièce d'un regard qui lui confirma que chacune de ses armes s'y trouvait bien. Simple réflexe. Il avait évidemment totalement confiance dans la dame de Viam. Mais les autres, ils ne les connaissaient pas. Et il était bien placé pour savoir qu'il ne fallait jamais se fier aux apparences. Mais non, son arc, son carquois, et son épée dans son fourreau étaient toujours posées contre un mur, attendant leur prochaine usage patiemment.


Pas ici, sauf pour un entrainement, songea Kaeronn. Du moins, il l'espérait. Malheureusement, les imprévus arrivaient vite. Et souvent, ils s'avéraient désagréables.

Pas tous. Sindanarie est la, et c'est bien un imprévu.

Il n'aimait pas se contredire ainsi lui-même, mais il les prenait comme des notes d'espoir ou d'ironie. Le tonnerrois esquissa deux pas en direction du lit, puis au moment de s'assoir, sembla se résigner à rester debout. Hors de question de massacrer les draps de traces de boues et de les tremper d'eau sale. Les vêtements secs ne seraient vraiment pas de refus. En parlant de vêtements de rechange... voila qu'on toquait à la porte, qui laissa immédiatement place à la guerrière. Elle inspecta un court instant la pièce, ce qui fit sourire Kaeronn. S'attendait elle à une surprise, dans sa propre chambre? Il lui sembla cependant que les yeux de la jeune femme s'attardèrent sur ses armes, mais elle lui tendait déjà les vêtements d'Elric quand il essaya de suivre son regard. Il la remercia d'un sourire qu'il souhaita charmant. De la à dire qu'il était réussi, seule Sindanarie pouvait avoir la réponse.

Je vous en prie, cessez de barboter.

Petite boutade du au bruit qu'elle provoquait en marchant dans ses bottes encore très humides. Puis il haussa un sourcil, amusé de la taquinerie de Sindanarie. Car c'était forcément une taquinerie, elle ne pouvait penser sérieusement qu'il laissa ses armes hors de portée. Elle devait d'ailleurs en tant qu'écuyère de la Licorne garder toujours ou presque ses armes sur elle. Il répondit d'un ton joyeux.

Et je les mets où mes armes? Je prie pour qu'elles me suivent? Je ne possède que cela, et cela me maintient en vie depuis de nombreuses années. Où que j'aille, elles sont avec moi, et je suis sur qu'elles ne me trahiront pas. Si après les brigands du Limousin dorment, tant mieux pour eux.

Il rit doucement à sa dernière boutade, assortie d'un clin d'œil pour Sindanarie. Il la regarda tourner les talons, et alors que son pas s'éloignait, le tonnerrois ferma la porte de sa chambre. Puis défit les affaires qu'elle avait apporté pour les inspecter. Chemise, braies, bas. Parfait. Il enleva rapidement ses vêtements trempés pour les remplacer par ceux de l'intendant. De petite taille, les vêtements s'enfilèrent facilement, sans pour autant flotter. C'était presque sa taille et le tonnerrois sourit de satisfaction. C'était quand même bien mieux ainsi. D'ailleurs, où allait il mettre ses vêtements? Un regard par ci par la, et il les déposa sur une chaise, espérant qu'ils ne goutteraient pas trop.

Puis Kaeronn de se demander où retrouver Sindanarie. Aller chercher sa chambre pour demander la permission d'entrer? Alors qu'elle était en train de se changer. Impoli. Attendre ici? Fallait espérer qu'elle revienne le chercher. Et en même temps il n'avait pas trop le choix. S'asseyant donc sur le lit, laissant aller son dos contre les draps, mains croisés derrière la nuque, Kaeronn se prit à penser à la suite des évènements. Une nouvelle sortie n'était guère conseillée vu le temps. Alors? La bibliothèque? Ou bien la jeune femme préfèrerait peut être parler ici? Oui sans doute. Ils avaient encore plein de choses à se dire. Et de toute façon sa compagnie lui suffisait.


Aller Sinda, dépêche toi, s'entendit il clamer tout haut.
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MessageSujet: Re: Une chambre d'invité   Une chambre d'invité EmptyDim 29 Aoû - 11:23

Bien entendu, Sindanarie n'avait pu entendre l'exclamation de son invité, pour la bonne et simple raison qu'elle était à ce moment même en train de pester et jurer, ce qui se traduisait par un grommellement ininterrompu du type "B*rdel du diable de sal*perie de robe, maudit soit l'imbécile qui a inventé ça". Comment pouvait-on concevoir quelque chose d'aussi mal pratique ? C'était sûr, si elle avait porté ça plus tôt dans la journée, jamais elle n'aurait pu battre Kaeronn à la course. Franchement, avoir autant de tissu battant autour des jambes, c'était un coup à s'empêtrer et à s'étaler lamentablement au sol... Ce qu'elle avait déjà expérimenté. Et c'était plus désagréable encore pour l'orgueil que pour le corps. Et puis, impossible de se déplacer à cheval vêtue de la sorte, du moins pour de longues chevauchées, impossible de se battre, en entrainement ou non... Impossible de vivre sa vie, en somme. Impossible de vivre la vie que la Licorneuse avait toujours vécu, avant même de pouvoir la choisir.

La jeune femme avait rapidement monté l'escalier et s'était bientôt retrouvée dans sa chambre, face au coffre. Sur le lit, son mantel d'Ecuyère. Sec. Tentant. En d'autres circonstances, elle l'aurait volontiers passé. Mais là... Elle était juste elle-même. Elle voulait juste être Sindanarie, pas la Licorne, pas l'Académicienne. Et pour s'en rapprocher, il ne lui restait plus qu'une solution, enfermée dans ce coffre depuis l'un de ses derniers séjours à Viam. Les robes qui lui rappelaient encore son temps en politique, qui lui restaient de cette époque et qui lui sauvaient encore bien souvent la mise pour les allégeances et les quelques occasions où elle était obligée de se comporter en femme à peu près civilisée. Le couvercle du coffre dévoila bientôt deux de ces vestiges. Il y en avait d'autres, laissées chez un aubergiste de Limoges qu'elle avait fini par bien connaître ou à Guéret, mais devant elle se tenaient les deux périodes de sa vie. Rouge et noir. L'un des vêtements, rouge pivoine, reflétait la première, et le noir la seconde. Entre les deux, la jeune femme ne balança pas. Autant rester fidèle à ce qu'elle était devenue. La noire fut tirée du coffre, ainsi qu'une paire de bas.

Se débarrasser de ses habits trempés et l'enfiler fut l'affaire de quelques instants. Dans le col apparaissait la chaine dans laquelle étaient passés les trois anneaux d'argent. Le premier serti d'une petite pierre verte, le deuxième tout simple, le dernier ciselé. Il était tout simplement hors de question qu'elle l'enlève, même si cela devait mettre en péril son semi-mensonge. Après tout, bien des gens portaient des chaines du même genre, pour des médaillons de piété ou autres signes d'appartenance... Cela n'éveillerait sans doute la curiosité de personne. Personne n'en avait été curieux, que ça ait été en Limousin ou ailleurs, donc il y avait peu de chances pour que Kaeronn le remarque et, même s'il le remarquait, il était peu probable qu'il fasse une remarque à ce sujet. Les médailles disparaissaient souvent sous les habits, comme les trois anneaux, et étaient suffisamment courantes pour ne plus attirer l'attention. Tout comme des pieds nus (enfin, les bas non recouverts de chausses) sous une robe tombant jusqu'aux chevilles.

Bas passés, robe ajustée, elle pouvait rejoindre le voyageur. Le lieu était cependant nébuleux. Le plus simple serait de retourner directement à la chambre qu'il s'était choisie. Pourquoi pas... Ignorant volontairement les chausses qui dormaient au fond du coffre, elle en rabattit le couvercle et quitta sa chambre pour redescendre. Elle savait qu'elle faisait très peu de bruit quand elle n'avait rien aux pieds, même si la robe constituait un handicap de taille pour réduire les bruits annonçant sa venue. Ce serait une manière de lui rendre la monnaie de sa pièce pour le moment où il l'avait trouvée dans la bibliothèque... Le "chemin" fut rapidement parcouru, l'escalier dégringolé, les couloirs traversés. Et, une fois qu'elle se trouva face au battant, vérifiant que les anneaux étaient invisibles sous le tissu, elle poussa doucement la porte, en s'efforçant de ne pas le faire grincer. Eh oui, un effet de surprise potentiel, ça se préserve ! Kaeronn était bien là, sur le lit, moitié assis, moitié allongé, semblait-il. Peut-être dormait-il ? Une seule manière de le savoir. Sindanarie parcourut les quelques pas qui la séparaient du lit et, se penchant vers lui, elle lui glissa avec un sourire taquin :


Je ne vous ai pas trop manqué, au moins ?

Apparemment, il ne dormait pas. Se redressant vivement, Sindanarie s'assit en tailleur sur le bout du lit, avant de se rappeler (vaguement) des convenances et de demander avec un certain détachement :

Vous permettez ?

C'était plus une question de forme que de fond. Après tout, s'il avait souhaité ne pas être dérangé, il aurait pu se barricader à l'intérieur. Ou, tout simplement, faire l'Arlésienne (enfin, l'Arlésien) et s'évaporer dans un quelconque coin du domaine. Et avant de trouver quelqu'un qui avait peu de chances de savoir où il allait, ça aurait été une autre paire de manches.
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MessageSujet: Re: Une chambre d'invité   Une chambre d'invité EmptyDim 29 Aoû - 16:21

Alors qu'il attendait la dame de Viam, le tonnerrois laissait ses pensées divaguer sur divers sujets, plus ou moins importants. Le quart de finale de la coupe de soule royale qui approchait, la route parcourue pour arriver en Limousin. Et puis bien entendu, ses premières heures passées en compagnie de Sindanarie. Il l'avait retrouvé enjouée, heureuse semblait il de sa visite. Si elle était fatiguée, elle ne l'avait guère montré. Ils avaient pu déjà pas mal discuter. Retrouver cette complicité qui s'était rapidement installée à Chinon lui avait fait beaucoup de bien. Les taquineries à chaque phrase, les anecdotes de leur vie, de leurs péripéties. Et puis inutile de se le nier, elle lui plaisait. Combattante, comme lui. Aimant les défis, comme lui. Les yeux verts, comme lui. Et puis jolie tout simplement. Il aimait son visage.

Il ferma à demi ses yeux. Mais l'attachement à une personne n'avait jamais été son fort. Les deux seules personnes auquel il s'était attaché étaient mortes aujourd'hui. Son fils n'était également plus de ce monde. Ne restait plus que ses petits fils, exilés en Artois. Au moins, ils étaient en sécurité. Cela lui rappela l'histoire de Sindanarie. Cette femme qui se croyait maudit, ayant possédé trois maris, tous morts également aujourd'hui. Une proche de la dame de Viam vraisemblablement. La vie était injuste, et elle le serait tout le temps. Et selon Kaeronn, si l'on ne retenait pas le positif de cette vie, c'était comme si l'on ne la vivait pas.

Il tenta alors soudainement de se tirer en arrière, poussant avec ses mains sur le lit, pour échapper à l'ombre qui venait d'obstruer sa vue. En même temps, la voix malicieuse de Sindanarie retentissait à ses oreilles. La première surprise passée, Kaeronn rit doucement de sa propre bêtise. Juste au dessus du sien, le visage triomphant et souriant de la dame de Viam lui faisait face. Et alors que la jeune femme s'asseyait sur le rebord du lit, le tonnerrois se redressa lentement.


Vous l'avez fait exprès hum? Vous commenciez à me manquer grandement, vous êtes arrivée à temps!

Il lui rend son sourire malicieux, puis regarde le nouvel accoutrement de la jeune femme. Première surprise, voir Sindanarie en robe. Elle n'est plus debout, et par conséquent, donner un jugement sur son allure avec n'était pas facile. Mais elle semblait bien la porter. Deuxième surprise, atténuée par le fait qu'elle était apparue sans aucun bruit, était de la voir sans chausses ni bottes. De simple bas recouvraient ses pieds et ses jambes invisibles. Sur la pierre du domaine il faisait peut être un peu froid. Quoique lui même n'y avait pas prêté attention en enlevant ses bottes. Et c'était toujours mieux de marcher sans botte dans une demeure. Sans compter qu'elle avait pu ainsi le surprendre. Au lieu de lui accorder la permission, Kaeronn continua sa taquinerie, constituant ainsi une réponse affirmative.

Et vous venez souvent surprendre ainsi vos invités, alors qu'ils rêvent à moitié? Un peu plus, et j'aurai pu mourir de peur.

Grand sourire taquin alors qu'il imite Sindanarie en croisant ses jambes en tailleur. Il l'observe à nouveau, l'inspectant de haut en bas.

Vous n'étiez pas obligée de mettre la robe pour moi, vous savez. Même si je ne vous cache pas que cela me fait plaisir.

Bon, c'était très présomptueux la. Nul doute que la robe, ce n'était pas pour lui qu'elle l'avait mise. Surement l'usait elle quand elle passait à Viam. D'après ses dires, ce n'était pas souvent. Ce qui expliquait aussi peut être l'impeccable couleur de la robe. Pourquoi noire d'ailleurs? Cela signifiait il quelque chose pour la jeune femme? Il n'en avait aucune idée. Sa cape trônait sur une chaise, ainsi que son col. Tous les deux noirs également. Lui s'en servait pour pouvoir passer inaperçu la nuit. Inaperçu dans les forêts. Inaperçu la où il le voulait. Ou presque. Enfin, la robe n'était surement pas la pour passer inaperçue. Et en même temps, elle avait surement une signification pour Sindanarie.

Il continuait de la regarder en souriant, cherchant un sujet à aborder. Mais il semblait avoir le cerveau qui tournait au ralenti. La guerre du Berry? Bof, il avait déjà les infos qu'il voulait, et connaissait en gros la tournure des évènements. Et elle ne souhaitait sans doute pas parler de guerre, alors qu'elle revenait quelques jours dans ce petit coin qu'elle qualifiait peut être de paradis. Aussi préféra-t-il continuer sur le sujet amorcé. Et puis il pouvait l'embêter...


Et vous la mettez à chaque fois que vous venez ici cette robe? Ou à chaque fois qu'un homme vous fait dégringoler dans une marre de boue?

Les yeux rieurs, Kaeronn pose chacune de ses mains sur ses genoux, et rapproche un peu sa tête de Sindanarie, attendant la réplique de ce nouveau duel annoncé. Le regard provocateur, il ne remarque nullement les trois anneaux, presque entièrement cachées par le haut de la robe.
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MessageSujet: Re: Une chambre d'invité   Une chambre d'invité EmptyMar 31 Aoû - 22:43

La réaction de Kaeronn avait été plus marquée encore qu'elle n'aurait pu l'espérer, presque excessive. Mais après tout, c'étaient de tels réflexes qui pouvaient maintenir quelqu'un en vie... Si l'on ne se méfiait pas un minimum, on finissait avec un poignard dans le ventre. Et lui se méfiait manifestement assez pour rester en vie et en bonne santé, comme en témoignait son arrivée jusqu'à Viam, sans compagnie d'aucune sorte (hormis celle de ses armes, mais cela ne comptait pas vraiment pour une compagnie, n'est-ce pas?), en étant parti d'une destination étrangère au Limousin. Sachant que plus on allongeait un voyage, plus on avait de chances de faire de mauvaises rencontres, cet homme devait décidément être très méfiant. Ou très prudent, selon le nom que l'on voulait donner à la chose. Pendant qu'elle se faisait ces quelques remarques, Kaeronn s'était redressé, confirmant à la jeune femme que son oeil n'était pas encore trop émoussé et qu'il faisait effectivement la taille d'Elric, à un rien près. Il devait être un peu plus grand, mais n'avait pas pour autant l'air gêné aux entournures par les affaires de l'intendant. Parfait. C'était un inconfort en moins...

Mais il avait commencé à parler, et il fallait prendre garde à ne rien laisser passer, avec cet homme, sans quoi l'on se retrouvait sous la vague avant de l'avoir vu venir. C'était sans aucun doute ce qui faisait son charme, au moins en partie. Posant le coude sur son genou, Sindanarie appuya son menton sur sa paume en attendant qu'il eût fini, son sourire s'accentuant à mesure qu'il ajoutait remarque sur question. Une fois qu'il se tut, elle attendit un court instant pour être sûre qu'il n'avait plus rien à ajouter et répondit finalement, plongeant des yeux goguenards dans le regard provocateur de Kaeronn :


Vous posez toujours autant de questions à la fois ? Ca va être difficile de répondre à toutes, et si j'en oublie, n'hésitez surtout pas à me le faire remarquer...

Et dire qu'elle faisait subir la même chose quand elle travaillait pour l'Académie... Ou pour la Licorne, selon les circonstances. Eh bien, elle aurait du mal à voir ses tirades de questions du même oeil, à présent... Mais enfin, il suffisait de se rappeler de tout ce qu'il avait pu dire. Alors, dans l'ordre... Il avait fait une allusion à la frayeur qu'elle lui avait causé, parlé de la robe, était revenu sur le sujet. C'était à peu près tout, hormis une variation sur son appréciation de l'accoutrement de Sindanarie, qui avait mobilisé toute sa maîtrise d'elle-même pour masquer sa réaction. Flattée, oui, elle l'était. Mais curieusement, alors qu'elle se servait en général de pareils mots pour rebondir, cette fois-là elle se tut, sans même pouvoir expliquer pourquoi. Se redressant après ce rapide examen de ce qu'elle aurait à passer en revue, Sindanarie reprit :

Donc, figurez-vous que je ne porte ce genre de chose que lorsque je dois avoir l'air correcte ou lorsque je n'ai pas d'autre choix... En l'occurrence, c'est un peu des deux : je voudrais vous faire honneur, et, en plus de cela, j'ai laissé mes habits normaux de rechange en Maine... Si vous commenciez déjà à vous ennuyer de moi, ça aurait fait loin pour reprendre des vêtements habituels, non ?

Ah oui. Il avait aussi parlé de leur chute de tantôt, en formulant une hypothèse pour le moins fantaisiste. Avec un sourire en coin légèrement moqueur, Sindanarie continua :

Bon, en ce qui concerne la mare de boue... J'avoue que c'est assez rare qu'un homme, ou qu'une femme d'ailleurs, me fasse tomber comme ça dans une flaque de boue, mais comme il est moins rare que je mette une robe, je suppose que ça n'a pas de rapport direct.

Inspiration, expiration. Tel est le souci des tirades : vient un moment où le souffle manque et où l'on est forcé de s'arrêter un bref instant. Mais cela ne dura guère plus que le temps d'un battement de paupières,

Voyez-vous, presque personne ne connait ce domaine. Il est suffisamment reculé pour me préserver de trop nombreuses visites. Par conséquent, je ne me sens pas tenue de passer cette robe à chaque fois que je viens. Et d'ailleurs, si ça peut vous rassurer, je n'ai pas pour habitude de faire mourir de peur mes très rares invités... Surtout quand ils parviennent jusqu'ici.

Et puis, le faire mourir de peur, lui, aurait vraiment été par trop dommage. S'accordant un très bref instant de pause dans son monologue, la jeune femme considéra son vis-à-vis. Il n'avait pas changé... Et malgré les mois qui s'étaient écoulés depuis leur rencontre à Chinon, malgré les lettres qu'ils s'étaient expédiées de loin en loin, elle avait l'impression de l'avoir quitté la veille. Son sourire n'avait pas changé, non plus que l'étincelle malicieuse qui brillait dans son regard.

Mais enfin, ça vous fait toujours autant réagir de voir une femme en robe ? Vous devriez être habitué, ce n'est pas si rare... A moins que vous ne vous soyez trouvé récemment une vocation d'ermite, mais permettez-moi d'en douter, vous ne seriez pas ici sinon. Et puis, je vous avais prévenu que j'aurais à me grimer et à m'habiller en femme...

Le sourire ne se cachait plus guère, la question n'appelait pas de réponse et l'observation finale n'était guère plus qu'une plaisanterie. Elle savait ressembler à une femme, ce n'était pas un souci, mais elle avait pris l'habitude de se comporter plutôt comme un homme, rejetant presque systématiquement les offres de protection (pensez donc, une femme qui voyage seule a forcément besoin d'escorte et besoin d'aide) pour préserver sa liberté, que certains avaient qualifié d'amour souverain. Ce n'était pas totalement faux, mais ce n'était pas sur ce sujet qu'elle comptait s'appesantir le plus. A présent que Kaeronn était là, elle comptait bien en profiter pour (essayer de) le faire parler un peu de lui. S'il était doué pour faire parler ses interlocuteurs, comme en témoignait la toute récente logorrhée de Sindanarie, il ne l'était pas moins pour préserver un certain flou sur lui-même. Et la jeune femme était curieuse... Aussi poursuivit-elle :

Bref. Si vous n'avez rien d'autre à ajouter sur le sujet, que diriez-vous de me raconter vos pérégrinations des derniers mois ? Je suppose que vous n'êtes pas resté tout le temps à Chinon depuis que mes camarades et moi en sommes partis...
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MessageSujet: Re: Une chambre d'invité   Une chambre d'invité EmptySam 4 Sep - 20:57

Il avait sourit à sa remarque. Taquine, encore une fois. Comme depuis cette matinée où ils se retrouvaient. Ils ne pouvaient s'en empêcher, que ce soit l'un ou l'autre. Mais tous deux étaient parfaitement conscients que cette taquinerie ne cachait rien de plus qu'une complicité qui faisait plus que naitre à présent entre eux. Et ce jeu amusait Kaeronn. Il était ravi d'embêter Sindanarie. D'habitude, il adorait embêter les femmes, mais la c'était différent. Il ne l'embêtait pas pour la provoquer vraiment, encore moins pour la pousser dans ses retranchements. Non c'était de la taquinerie gentille. D'ailleurs, le tonnerrois avait une réplique toute prête. Elle ne demandait qu'à sortir, qu'à fuser. Le soucis quand les répliques s'enchainent, c'est qu'on ne laisse pas vraiment son interlocuteur s'exprimait clairement. Et en même temps, si la réplique ne sortait pas, il perdait un coup pour embêter Sindanarie. Et ça, Kaeronn ne pouvait même pas l'envisager. Aussi choisit il un compromis en parlant à voix basse, assez pour ne pas qu'elle se sente obligée d'interrompre son discours. Petit sourire taquin au coin des lèvres, yeux dans les yeux de la jeune femme.

Difficile de répondre à toutes? Mais voyons, j'en attends plus de vous quand même. Oublier mes questions, quelle idée...

Son sourire s'élargit, alors qu'elle enchainait. Le visage de la dame de Viam n'était pas loin, à porter de main s'il levait la droite ou la gauche. Assis en tailleur, chacun face à face. C'était tentant de tendre cette main qui caresserait alors délicatement la joue de Sindanarie. Mais avant qu'il ait pu se pencher plus en avant sur cette question, elle le surprit. Dés la deuxième phrase. Avait il bien entendu? Oui, sans aucun doute. Lui faire honneur? Que voulait elle dire par la? Lui faire plaisir en s'habillant de façon plus féminine? Ou bien lui montrer qu'elle l'estimait? L'un ou l'autre était extrêmement flatteur, mais d'un ordre sentimental différent. Et quitte à choisir, Kaeronn préférait le premier choix. Et quitte à préférer l'un des deux, autant se persuader que c'était le bon. Malgré lui, il avait sourit, un peu trop tendrement à son gout. Il n'aimerait pas beaucoup que ce sourire soit trop facilement et rapidement interprété par la jeune femme. Bizarre, lui qui d'habitude, se foutait complètement de l'opinion des autres. Il perdait à moitié ses moyens.. Bon dans sa tête seulement, pas (encore) physiquement, même si ce tendre sourire ne laissait augurer rien de bon. Rien de bon? Le contraire peut être?

Heureusement, Sindanarie avait à nouveau invité la taquinerie dans la conversation, et Kaeronn put à nouveau répliquer gaiement.


Oh, je disais cela pour vous faire plaisir, simplement, répondit il, taquin. Le sourire en coin montrait qu'il mentait effrontément. Enfin quoique... qui pourrait se passer longtemps de votre compagnie?

Il laissa la question en suspens, pour continuer à boire chaque parole de la jeune écuyère. Il se contenta de rire en repensant à la situation comique qui les avait tous deux entrainés dans la mare de boue. Cela n'était certes pas tous les jours que cela arriverait. Il rit à nouveau à sa prochaine tirade.

Faire mourir de peur vos invités? Oh mais j'aimerai vous voir essayer sur ma personne Sinda!

Il agrémente sa phrase d'un petit clin d'œil, juste à temps pour entendre Sindanarie continuer dans le même ton. Elle semblait en forme. Il l'observa, comme elle venait de le faire. Toujours la même décidément. Une nouvelle fois, le plaisir de passer quelques jours en sa compagnie l'envahit. Et puis...

Ouh la non! Non, heureusement que je ne réagis pas comme cela à chaque fois que je vois une femme en jupe! Mais vous... je ne sais pas, je ne vous avais jamais vu ainsi, c'est surement cela.

Combat de sa conscience. Lui dire? Ne pas lui dire?

Et puis vous êtes jolie ainsi.

Ah ben voila qu'il l'avait lâché. C'était comme si des pincettes avaient écarté ses deux lèvres de haut en bas, laissant s'échapper une bouffée d'air aussi rapide que le vent dans les feuillages. Vent qui aurait produit un gros "gong" en tapant sur du métal. Le gong en question, c'était juste cette déclaration. Non pas qu'il ne la trouvait pas jolie quand elle était habillée de braies, d'une chemise, mais la... il n'y avait pas à dire, sa féminité n'en ressortait que plus, et malgré lui, ses yeux détaillaient (discrètement) le corps de la jeune femme. De son visage jusqu'aux pieds qui dépassaient du dessous de la robe, en passant par les formes de sa poitrine.

Il n'eut encore une fois pas le temps de s'appesantir sur ses pensées, Sindanarie proposant derechef un nouveau sujet. Sujet sur lequel il n'aimait pas toujours s'attarder. Mais quand une jeune femme comme celle qui se tenait devant le lui demander... Il sembla prendre une petite inspiration avant de se lancer dans un petit récit.


Et bien non effectivement, je ne suis guère rester à Chinon. Une fois la menace terminée, j'ai décidé de retourner à Tonnerre. En effet, j'aime cette ville, malgré qu'elle soit morne en ce moment. Seul notre équipe de soule vit. C'est mieux que rien vous me direz, sans compter qu'on a su la monter au plus haut du classement.

Il sourit légèrement, ne cachant nullement sa fierté.

Parlez des Foudres de Tonnerre, vous verrez ce que l'on vous dira! Une sale équipe à jouer, quasiment imbattable, et avec un co-capitaine exécrable, vantard et beaucoup trop sur de lui. Moi, évidemment.

Il rit doucement, lançant un nouveau clin d'œil à la jeune femme.

J'en ai profité ensuite pour faire un tour en Limousin. J'avoue que j'étais curieux de savoir où vous habitiez, à Guéret. J'ai pu ainsi repérer votre maison, même si elle était vide. Et puis... je pensais à vous. D'où mes courriers.

Il lui sourit doucement, incapable à nouveau de retenir cet élan sentimental. Diable, cela devenait inquiétant la... Mais était ce le mot?
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MessageSujet: Re: Une chambre d'invité   Une chambre d'invité EmptyVen 10 Sep - 15:47

Touché. Le compliment qu'il avait laissé filer, malgré une légère hésitation, avait atteint sa cible. Oh, bien sûr, elle avait d'abord été tentée d'y voir une marque de courtoisie, mais, à la réflexion... Kaeronn avait l'air sincère. Sindanarie s'en était fait la remarque, plus ou moins consciemment, tout en poursuivant sur sa lancée, encouragée dans sa voie par les répliques de son visiteur. Ce compliment et ce sourire qu'il avait eu auparavant la déstabilisaient. C'était inhabituel. Cela la troublait à tel point que c'en devenait anormal et elle ne parvenait pas à l'expliquer. Pire que tout, elle commençait à épuiser ses réserves de maîtrise d'elle-même. S'il continuait ainsi, il y avait fort à parier qu'elle finirait par le laisser paraître, ce trouble. Aristote, tout mais pas ça...

En fait si. Aristote devait être occupé ailleurs ce jour-là, car il n'empêcha pas Kaeronn, après qu'il eut soulagé la jeune femme en acceptant d'évoquer (fort succinctement, d'ailleurs) son retour à Tonnerre, de remettre la couche qui donna à Sindanarie l'impression qu'elle allait perdre pied. Enfin, en l'occurrence, il s'agissait plutôt de laisser paraître un trouble qui pourrait être interprété de mille manières différentes, plus ou moins justes, ce dont la jeune femme avait horreur. Donner matière à interprétation, tel était pour elle le châtiment suprême. Bref, l'allusion au passage à Guéret vint déstabiliser la Limousine, réveillant ce qu'elle voulut comprendre comme le mal du pays. Mais pour couronner le tout et dénoncer son trouble, si son regard ne l'avait pas déjà fait, Sindanarie avait l'impression de rosir, sensation inhabituelle entre toutes pour elle, qui restait normalement maîtresse d'elle-même hormis en d'assez rares occasions. C'était à croire que pareille occasion se présentait. Mais enfin, il lui restait encore tout juste assez de ressources pour reprendre :


Le lieu en lui-même n'a rien d'extraordinaire... Mais vous y êtes le bienvenu également, cela va de soi ! Si vous y passez de nouveau à Guéret, n'hésitez pas à demander la clé de chez moi à la mairesse, c'est une de mes amies. Ca vous éviterait d'avoir à vous installer à l'auberge.

Et vivent les considérations d'une platitude extrême ! Car elles avaient le don de redonner une assise, si petite soit-elle, à Sindanarie. C'était un moyen qu'elle utilisait assez fréquemment pour se reprendre, en général avec succès, comme ce fut le cas ce jour-là. Forte de cette victoire, elle repartit, plaisantant de nouveau :

Mais enfin, si vous permettez que je revienne sur cette affaire de co-capitaine... Vous êtes sûr qu'ils parleraient bien de vous ? Ca ne vous ressemble pas du tout. Enfin, en dehors du fait que vous êtes toujours très sûr de vous. Imbattable, je dois avouer que je suis assez convaincue, vantard... Soyons honnêtes, ça doit pouvoir vous arriver. Mais exécrable, alors là...

Sur ces mots, et comme pour donner plus de poids à son propos à venir, Sindanarie saisit (délicatement, n'est-ce pas) le menton de son vis-à-vis et entreprit de tourner son visage d'un côté puis de l'autre, comme un barbier l'aurait fait pour vérifier que son travail était bon. Evidemment, la manoeuvre de la Carsenac n'avait pas du tout le même but. Faisant mine d'examiner attentivement le visage de Kaeronn sous toutes les coutures (ce pour quoi elle n'eut d'ailleurs pas à se forcer), la jeune femme reprit :

Vous êtes vraiment sûr qu'ils parlent ainsi de vous ? Quel que soit l'angle sous lequel on vous considère, je ne vois pas comment on peut vous qualifier d'exécrable.

Bon sang. Mais tais-toi ! Arrête ! Arrête tout de suite ! Une petite voix s'était mise à hurler de l'esprit de Sindanarie. Toujours la même, celle qui sonnait l'alerte et lui intimait, quoique parfois en vain, de se la fermer, de tourner sa langue sept fois dans sa bouche, de réfléchir un instant avant d'articuler ce qu'elle avait en tête. Mais cette fois-ci, l'alarme était arrivée trop tard. Et puis, après tout, c'était juste une plaisanterie, n'est-ce pas ? Du moins, le principal intéressé pouvait le croire, et devait le croire, sans quoi la forteresse serait bien obligée de reconnaître que sa muraille avait une brèche, et une sérieuse brèche, connue. Aussi continua-t-elle, reprenant un ton badin :

Mais enfin, peut-être la soule vous transforme-t-elle radicalement. Ou alors, vos adversaires vous confondent avec quelqu'un d'autre.

Il était temps de sortir de ce sujet. Grand temps, même. Elle ne s'était que trop avancée, et, à mesure qu'elle s'ordonnait d'arrêter de lui lancer des fleurs ou de laisser apparaitre un trouble qu'elle ne pouvait plus guère nier, elle avançait plus encore. Il était temps de mettre un terme à cela, et quoi de mieux que de reprendre un thème déjà utilisé plus tôt ? Malgré une brève pause, afin d'éviter de s'emmêler de nouveau les pinceaux entre ce qu'elle voulait et ne voulait pas faire, Sindanarie finit par lancer :

En tout cas, ne m'encouragez pas à essayer de vous faire mourir de peur... Vous savez bien que j'ai du mal à m'arrêter quand on me met au défi de faire quelque chose, et je suis sûre que vous et moi regretterions autant que j'y parvienne. Et puis, vu votre sursaut de tout à l'heure, ce ne serait peut-être pas si dur d'y arriver, et vous savez ce que l'on raconte sur les victoires sans péril...

Après tout, rien ne valait une bonne provocation, en espérant qu'il ne relèverait pas trop. Menton de nouveau posé sur sa paume, Sindanarie gardait les yeux rivés à ceux de Kaeronn, sourire de nouveau goguenard aux lèvres.
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MessageSujet: Re: Une chambre d'invité   Une chambre d'invité EmptyDim 12 Sep - 16:21

Alors qu'ils continuaient de parler, la chambre s'éclaira légèrement. Si le soleil n'apparaissait toujours pas à l'horizon, il semblait s'être arrêté de pleuvoir. Les gros nuages noirs laissaient la place à une neutralité dans l'air, qui sonnait comme une éclaircie après la mini tempête qu'ils avaient traversé. Mini tempête, c'était sans doute exagéré, mais quand on se retrouve dessous pour finir à plat ventre dans une marre de boue... forcément, la pluie se transforme en tempête. Une toute autre sorte de tempête menaçait d'ailleurs de submerger Kaeronn, comme la dame de Viam. Il n'avait pas envie de laisser libre court à des sentiments enfouis dans sa tête, et qu'il ne voulait pas comprendre. Elle non plus apparemment, puisqu'elle se contenta de sourire et de... rougir? Rosir tout au plus... peut être. Il ne s'attarda pas sur le visage de la jeune femme, ne souhaitant guère l'embarrasser plus. Il se gronda en lui même de mieux se maitriser, d'arrêter de lancer des compliments qui risquaient d'être mal interprétés. A raison sans doute d'ailleurs. Quelle pitié. Il ne voulait pas avoir de sentiments. Il ne voulait pas.

Demander les clés à la mairie de votre part? Et ils me la donneront? A moi, un étranger? Étonnant.

Profiter des perches qu'elle tendait pour ramener la conversation sur des sujets autre qu'eux mêmes.

Mais la proposition est sympathique. Je vous remercie, vraiment.

Il prenait le parti de penser que cette proposition était sincère. Et cette confiance en lui le touchait. Pourtant, ils s'étaient si peu vu... D'habitude, il le savait qu'on lui faisait rapidement confiance. Le tonnerrois jouait même de cela, manipulant quand le besoin s'en faisait ressentir. La plupart des gens étaient tellement naïfs. En parcourant le royaume, il avait d'ailleurs été effaré de voir à quel point les pensées étaient manichéennes. Et ce sans pour autant que ces personnes croient en Aristote. A en conclure donc que ce n'était même pas l'église aristotélicienne qui leur mettait ses idées dans la tête. Trouver une personne avec autant d'esprit que Sindanarie, au hasard des tavernes, c'était compliqué maintenant.

Trouver quelqu'un avec qui s'entendre aussi bien aussi, rajouta une partie enfouie de son cerveau. Kaeronn ignora cette remarque, et du se faire violence pour ne pas éclater de rire quand Sindanarie lui saisit le menton dans une démarche comique et amusante. Le tonnerrois attendit qu'elle l'eut inspecté proprement pour tendre la main et la poser sur le dos de celle tenant son menton. Il abaissa ainsi la main tout en répondant d'un ton narquois.


Oh bien sur que je suis sur qu'ils parlent de moi. Et même si certains n'en diront rien, ils n'en penseront pas moins. Après... chacun se fera une idée sur mes propos. La vantardise, je l'ai, je vous l'assure. Et ce à chaque match. Mais cette vantardise, elle est exagérée volontairement par mes soins. Mettre l'adversaire en rogne dés le début, lui faire croire qu'on se croit supérieur, cela lui fait commettre des erreurs ensuite. Et la victoire n'en ait encore que plus savoureuse, puisque l'adversaire fait tout ce qu'il peut pour me battre. Il sait que je peux être vaincu. Mais il n'y arrive pas, et chaque match donne un peu plus de crédit à notre victoire et mon palmarès. Les railleries, même les simples plaisanteries, sont ainsi vécues comme de véritables insultes par les adversaires. C'est cela que j'aime tant à la soule. Et c'est pourquoi à leurs yeux, oui je suis exécrable.

Maintenant, si vous ne me tenez pas exécrable, je ne peux que vous dire que je l'espère bien. Auquel cas, je risque de terminer mon séjour ici une épée plantée dans la poitrine.


Sourire malicieux aux lèvres, l'homme prend la même pause que la jeune femme, menton posé dans le creux de sa main droite. L'image du miroir rend sans aucun doute la scène comique, surtout si une tierce personne prenait la peine d'entrer au même moment. Position la plus confortable en tout cas en tailleur, même si Kaeronn ne prend pas la peine de se justifier. Si la jeune femme interprétait ce jeu du miroir comme un signe de moquerie, cela n'en était pas plus mal.

Je ne pense pas en tout cas que la soule me transforme radicalement. Je dirai au contraire que la soule est le moment où je me découvre le plus, et où ma personnalité ressort fortement, à l'extrême parfois. Mes adversaires n'ont pas la même visions les uns les autres, c'est tout. Et comme le plupart se résument à des paysans jugeant bien vite et sans réfléchir les passants...

Il laissa sa phrase en suspens, assuré que l'errante de la Licorne avait compris. Et ne retint pas son rire cette fois ci. Une nouvelle provocation. Encore une. L'un comme l'autre, ils ne pouvaient s'en empêcher. C'était dans leur nature. Et peut être cela ne faisait il que prouver les quelques sentiments qu'il tentait vainement jusqu'à présent de refouler au fond de sa tête. Il savait ce qu'il était préférable, mais il serait bien incapable de le faire. Se contenter de passer un bon séjour, et repartir, loin. Pourquoi pas?

Vous attisez ma curiosité la. Comment vous y prendrez vous pour me faire mourir de peur? Vous croyez qu'il suffit tout simplement de se pencher sur moi alors que je rêve? Mais ma foi, si c'est bien cela que vous croyez, vous allez déchanter. J'espère en tout cas que vous possédez également ces mêmes réflexes, car ils peuvent être utiles en certaines occasions.

Bon, il n'était pas tout à fait franc, mais Sindanarie l'avait deviné. Le sursaut qu'il avait eu, s'il pouvait sauver la vie, était quand même un sursaut de peur. Et si la dame de Viam avait tenté de le poignarder, nul doute qu'il serait mort.

Me faire peur, me faire peur... Je parie que je vous ferais le plus peur ma chère. De mon séjour à Viam, c'est vous qui récolterez une frousse indescriptible. Mais ayez bien à l'esprit que si peur il y a, consolation s'invite derrière.

Il sourit, tout aussi goguenard que la dame de Viam. Il imaginait déjà comment faire peur à Sindanarie. Compliqué, mais un sursaut comme il avait eu tout à l'heure lui suffirait amplement. A voir si elle comptait continuer dans cette direction. En attendant, son sourire se fait plus sérieux, plus délicat, alors qu'il pose à nouveau une question.

Excusez moi si je suis indiscret, mais puisque nous parlons de ça... quelle a été la plus grande peur de votre vie Sindanarie?
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MessageSujet: Re: Une chambre d'invité   Une chambre d'invité EmptyMar 14 Sep - 22:05

Elle avait laissé filer la provocation, se contentant d'un sourire amusé. S'il essayait de lui faire peur, il lui faudrait du courage... Et de bons réflexes, pour séloigner d'elle avant qu'elle ne riposte. Puis vint la question, sérieuse tout à coup. Quelle avait été sa plus grande peur ? Bien peu le savaient. Certains savaient qu'elle avait eu peur en telle circonstance, dans laquelle il était en général normal d'avoir peur. Mais la jeune femme avait des restes plutôt bien conservés des leçons d'Elric. Si on ne sait pas comment t'effrayer au point de te faire perdre tes moyens, tu n'as rien à craindre de personne. Si Kaeronn les connaissait, ses peurs, il en saurait plus sur elle que n'importe qui d'autre. Hormis Elric, peut-être, mais Elric était un cas très particulier. Esquissant un sourire, Sindanarie répondit lentement, pour se donner un peu de temps :

Ma plus grosse peur ? Voyons...

Elle avait encore le choix entre mentir, mentir à demi, et répondre directement à la question. C'était une question de principe, elle répondait toujours aux questions, parce que c'était la meilleure manière de ne pas avoir l'air suspecte, mais elle ne répondait pas toujours la vérité. En l'occurrence, elle n'avait pas de raison de mentir. Quand elle avait raconté n'importe quoi aux Bretons, aux Tourangeaux, à certains Mainois ou à divers Angevins, pour ne citer qu'eux, croisés ici ou là, elle l'avait toujours fait pour protéger quelque chose, pour éviter de divulguer, par une honnêteté inappropriée, des informations concernant sa mission. Mais lui ? Pourquoi se cacher ? Elle ne voyait aucune raison de le faire, aussi prit-elle une grande inspiration et la décision de rester franche dans sa réponse avant de reprendre :

En fait, il n'y a pas eu une seule frayeur pour se démarquer du lot, mais plutôt deux ou trois. J'ai eu une fois extrêmement peur pour ma plus proche amie, qui a déserté l'armée du Limousin au cours d'un exercice lors d'une alerte. Elle était alors enceinte de cinq ou six mois environ, et la savoir faisant route vers le Sud, seule, affaiblie et rendue vulnérable par sa grossesse, me rendait malade de peur. Elle a fini par m'envoyer des nouvelles quand elle est parvenue à Toulouse, mais vous imaginez le temps qu'a duré son périple du Limousin jusque là-bas...

La période avait été difficile. Les souvenirs affluaient à mesure que la jeune femme racontait l'histoire de Zakuro. Son amie avait écopé à son retour d'un procès au tribunal militaire de la Compagnie d'Ordonnance du Limousin et de la Marche, COLM pour les intimes, de corvées à rallonge, d'un coup de gnouf et d'un blâme. Ils n'auraient pas pu lui infliger plus. Et ils ne l'avaient même pas renvoyée de l'armée, alors qu'ils auraient pu le faire... Longtemps, elle avait cherché à percer la raison de cette incohérence mais, même lorsqu'elle avait fait partie de l'Etat-Major, elle n'avait pas pu accéder aux minutes du procès de son amie. Et celle-ci n'avait jamais accepté de lui raconter ce qui s'était passé, ce qui n'avait fait qu'attiser la curiosité de Sindanarie. Elle avait voulu comprendre, et n'avait jamais eu en main les éléments nécessaires. Un haussement d'épaules ponctua la dernière phrase de la jeune femme, et elle enchaina :

Une autre peur majeure, je vous l'ai déjà racontée, du moins en partie. Tout à l'heure, je vous parlais du brigand que j'avais revu plus tard dans un contexte impropre à, mettons... A la revanche. Quand cet homme m'a attaquée, il n'était pas seul, et moi non plus. J'avais avec moi une gamine de six ou sept ans, lui avait quatre compagnons. Et j'ai eu une trouille bleue qu'ils fassent du mal à la gamine. Ils ont pris les quelques écus que ses parents adoptifs lui avaient confiés pour la partie du voyage qu'elle a faite avec moi, mais ils ne lui ont fait aucun autre mal, et j'avoue que ça m'a soulagée.

Elle était lancée, il n'y avait plus rien à faire pour aller contre. Sindanarie savait qu'elle serait incapable de s'arrêter avant son troisième cauchemar. Son Breton. Elle avait oublié son nom, en supposant qu'elle l'avait entendu dans le fracas des armes et les cris, mais ses traits n'avaient jamais disparu de la mémoire de la jeune femme. De toutes les ombres qui la hantaient, il était l'une des plus vieilles, et de loin la plus inquiétante. C'était la seule qui parvenait encore à la réveiller en pleine nuit et qui la laissait en proie à une terreur irraisonnée. Se forçant à garder un ton aussi calme que pour les deux "anecdotes" précédentes, la Licorneuse reprit :

La dernière peur dont je vais vous infliger le récit a été la pire, je pense. C'était en 1456, lors de ma deuxième campagne en Bretagne. On avait été mobilisés en mars, il me semble, juste avant le début officiel du conflit. Pour les profanes, ce n'étaient que des tensions parmi d'autres, mais les militaires et les dirigeants de mon Comté étaient conscients que nous revivions la même escalade que l'année précédente. Deux semaines plus tard, nous étions à pied d'oeuvre, les combats avaient commencé dans la ville la plus au Sud. Celle qui dirigeait ma section a été abattue au combat, et j'ai vu... Je ne sais même pas combien ils étaient. Tout ce que je sais, c'est qu'une fois que ma chef est tombée, j'étais la suivante sur leur liste. L'un d'entre eux était armé d'une sorte de masse d'armes, il a réussi à défoncer mon bouclier en un seul coup. J'ai trébuché, et quand j'ai voulu m'appuyer par terre, mon bras a cédé. J'ai cru qu'il était cassé, je voyais le Breton prêt à finir ce qu'il avait commencé, mais un de mes camarades a pu me protéger.

Cette campagne avait été un enfer et une révélation. Entre le fracas des armes, les camarades à terre, et la première fois où elle avait côtoyé des Licorneux. Leur tableau de chasse avait été le mieux fourni de toute l'armée. Une section admirable, parfaitement disciplinée, organisée et ravitaillée, qui n'avait subi aucune perte dans son souvenir. "Ce sont les Chevaliers Licorne, de la Bretagne en Anjou..." Pour la première fois, elle les avait vus, approchés, admirés. Pour la première fois, elle avait entendu leur chant, lugubre ou allègre selon les jours, promesse de victoire, étendard d'espoir fiché au milieu d'un enfer de sang et de larmes. Ils avaient un idéal et une vision que n'avaient pas les Osts répondant à l'appel du Roy. Ils avaient un élan et un souffle. Et eux aussi, parfois, avaient vu l'ombre saisir des hommes et des femmes qu'ils estimaient. Ils avaient senti l'haleine de la mort caresser leurs joues, tout comme Sindanarie ce jour-là, sous les remparts de Nantes. Peut-être avaient-ils craint comme elle... Les combats leur avaient probablement laissé des cicatrices comparables à celle qui ornait l'avant-bras gauche de la jeune femme. Absorbée dans ses souvenirs, elle reprit, parlant un peu plus bas :

J'ai vu le moment où je partais directement aux enfers... Et je dois avouer que, sur le coup, ça m'a fait drôlement peur. Celui qui m'a protégée a été terriblement blessé lors de la bataille suivante, de même que l'amie dont je vous parlais il y a quelques instants. A ce moment, j'avais pu réintégrer ma section, et quand ils sont tombés, j'en ai pris la tête. Et à partir de là, je n'ai plus eu peur, parce que je savais que ceux qui me suivaient me protègeraient s'il le fallait, et parce que j'étais tellement enragée que j'aurais pris la Bretagne à moi seule. Deux jours plus tard, nous prenions Rieux, au terme d'une seule nuit de combat. Ca a probablement été l'une des heures les plus glorieuses de l'armée du Limousin.

Vu comme ça, tout n'avait pas été si négatif... Un sourire échappa à Sindanarie au souvenir du discours de sa Capitaine de l'époque. Bess. C'était sans doute la femme qui demeurerait à jamais "sa" Capitaine, celle à qui elle resterait loyale en toute situation. Dans un sursaut, elle s'arracha au passé pour revenir au présent, fixant de nouveau les yeux de Kaeronn, sou sourire s'élargit légèrement, et elle reprit, plaisantant de nouveau, au moins pour le début de ce qui suivit :

Mais vous devez en avoir sérieusement ras le bol de m'entendre bavasser depuis tout à l'heure... Vraiment, vous n'êtes pas prudent de me lancer sur des sujets aussi vastes ! A votre tour de parler un peu... J'ai deux questions, si vous permettez. D'une : qu'est-ce que vous entendiez, tout à l'heure, par consolation après une bonne frayeur ? Et de deux : vous-même, quand avez-vous eu le plus peur ?
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MessageSujet: Re: Une chambre d'invité   Une chambre d'invité EmptyVen 17 Sep - 22:05

La question était délicate et très personnelle. Aussi, cela demandait une réponse murement réfléchie. Et la jeune femme s'y employa parfaitement, sembla peser le pour et le contre, choisir dans ses souvenirs en les fouillant, puis lui répondant avec précision et détails. Le tonnerrois l'écouta, sans l'interrompre un instant. Il n'allait tout de même pas l'embêter alors qu'elle lui faisait l'honneur de lui répondre! Il comprenait parfaitement la peur pour son amie. A vrai dire, il avait souvent beaucoup plus peur pour les autres que pour lui-même. Et apparemment, ce n'était pas souvent très différent pour la guerrière. La deuxième histoire du brigandage avec la petite fille le confirmait. Accueillir des brigands soi même, cela ne posait généralement pas de problème. Dés qu'une personne non combattante vous suivez, cela devenait tout de suite plus problématique. Il n'y a rien de pire que de devoir penser à la protection de cette personne tout en tentant de combattre ses adversaires. Léane en avait subit les conséquences. Elle était morte, alors que Kaeronn les défendait face à 5 brigands.

Sindanarie termina par un troisième récit. Il n'y avait pas à dire, mais il avait droit à une réponse beaucoup plus complète qu'il ne l'aurait imaginé. Elle se confiait presque. Il eu un petit sourire quand elle parla de lui infliger cela. Avant de retrouver un visage sérieux et attentif dés les premiers mots parlant de la guerre en Bretagne. Se retrouver devant un soldat vous attaquant, en plein champ de bataille, ce n'était pas la même chose qu'un brigand vous attaquant seul sur les chemins. En plus de ne pas être seul sur le champ de bataille, les cris de souffrance, de charges, les bruits de combat vous assaillaient l'esprit. Vous perdez souvent rapidement toute faculté de raisonnement, et au début, la vu de l'ennemi est assimilée à celle du méchant, du gros barbare, du monstre. Et qu'importait le camp dont on faisait parti.

Cette campagne de Bretagne, il l'avait suivi de loin. Il était en Bourgogne à l'époque, mais il avait aussitôt relancer sa correspondance avec ses amis bretons. Le tonnerrois n'avait eu aucune difficulté à relever les informations concernant les armées et le renfort bourguignon. Informant ainsi les bretons des renforts prévus, il avait donné sa part de contribution dans cette guerre. Travail de l'ombre. Il l'aimait pourtant ce travail de l'ombre. Plus dangereux qu'un combat au corps à corps. Au moins dans une bataille, on peut s'en sortir vivant. Si Kaeronn se faisait choper par les dirigeants bourguignons, à moins d'un miracle, il finissait au bout d'une corde. Et les miracles, il n'y croyait guère. Mais personne n'en avait jamais rien su, mis à part ses quelques amis bretons, cela allait de soi. Et le tonnerrois était toujours à l'affut des moindres informations pouvant aider ce qu'il appelait ses comparses. Pire encore, était le statut de Jabor. La dernière virée en Bretagne, qui les avait mené à Brest, avait prouvé à Kaeronn que le guerrier avait dans son passé, des rapports avec les bretons. Marvailh avait d'ailleurs longuement discuté avec son ami, qui pour la première fois depuis qu'ils se connaissaient, l'avait laissé à l'écart, avec Léane. Il avait bien essayé ensuite de soutirer des informations à la croque mort bretonne, mais elle fut très évasive sur le sujet. Elle avait seulement laissé entendre que Jabor avait de hauts liens de parenté bretons. Un seul nom avait filtré pour le tonnerrois. Ap gwirino. Il n'avait pas cherché plus loin, Jabor ne lui en soufflant pas un mot. Il tenait à respecter la volonté de son ami de garder cachée cette face de son passé.

Et puis de nouveau cette voix. En face de lui, qui lui parle. La guerre de Bretagne a réveillé des souvenirs autant chez elle que chez lui, et Kaeronn sourit à la jeune femme, toujours assise en tailleur. Il rapproche légèrement son visage du sien, pour répondre aux questions qu'elle vient de lancer. Prévisibles.


Ne sommes nous pas la pour discuter justement? Vous entendre parler, me raconter ces anecdotes, cela me ravit. Je suis content que vous sembliez prendre plaisir à parler, même si ce ne sont pas toujours des sujets... faciles.

Il prit ensuite le temps de réfléchir aux mots qu'il utiliserait pour la première réponse.

De une, ce que je voulais dire... c'était que si vous acceptiez ce défi, et que j'arrivais par un quelconque hasard à vous faire peur, je me verrais dans l'obligation ensuite de vous consoler. Petit sourire amusé. Ce qui n'est peut être pas motif de réjouissance pour vous.

De deux, ma plus grande peur a été de perdre mon fils juste après avoir perdu ma première... compagne. Nous allions nous fiancer. Quand elle est morte, j'ai du me débrouiller tout seul avec mon fils de 6 mois. J'ai du remonter la moitié du royaume de France, de Marseille à Ste Ménéhould, l'hiver. Cela m'a pris plus de deux mois, dans des conditions climatiques horribles. Je n'avais en su pas l'expérience du voyage, et durant toute cette période, en plus d'être terriblement choqué par ce qu'il venait de m'arriver, je mourrais de peur qu'il arrive quelque chose à mon fils. Ce fut sans aucun doute l'une des périodes les plus difficiles de ma vie.

Kaeronn lâcha un petit soupir. Ce que cela lui paraissait lointain... lointain. Mais pourquoi n'avait il pas menti à Sindanarie? Pourquoi n'avait il pas inventé une histoire plutôt que de raconter la vérité, sur un bout de sa vie qui n'était absolument pas passionnant, et même plutôt glauque? La confiance. Il avait pleinement confiance en Sindanarie. Ironie du sort quand tu nous tiens.
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MessageSujet: Re: Une chambre d'invité   Une chambre d'invité EmptyJeu 7 Oct - 14:23

Le voyage avec son fils... Quand ils s'étaient rencontrés à Chinon, Kaeronn l'avait bien évoqué. En revanche, il avait occulté ce qu'il venait de lui livrer. Et c'était logique. ce n'étaient pas des choses que l'on racontait à quelqu'un qui venait de prendre un certain nombre de chopes avec vous dans une taverne étrangère. Certes, ils s'étaient assez bien entendu dès ces premières soirées et journées. Car oui, si curieux que cela puisse paraître, c'était encore bien s'entendre que de se se défier en duel à titre d'entrainement. C'était d'ailleurs une pratique courante au sein de la Licorne, songea Sindanarie. Les associations d'idées étaient allées bon train pendant le récit de son hôte, passant sans transition de la forme au fond de son récit. La forme, bien sûr, étant ce qui précède, elle passa rapidement au fond. Au voyage, à la fuite presque, avec son fils.

Elle n'avait eu ni cette chance ni ce malheur. Et, même si Baile s'entêtait à considérer qu'elle serait probablement une bonne mère, qu'elle saurait prendre soin de son enfant, la principale intéressée en était bien moins sûre. Un enfant, c'était la somme de toutes les peurs, la somme de tous les malheurs possibles et imaginables. Et la somme de toutes les contraintes. Si elle avait eu un enfant, jamais elle n'aurait pu revenir, en un jour et une nuit sans guère de repos, du Mans à Viam d'une seule traite. On était bien plus libre d'agir quand un enfant ne liait pas les mains. Par on ne sait quel miracle au vu du nombre d'hommes qui avaient traversé ou fait partie de sa vie, la jeune femme avait échappé à ce "problème". Le pire et le meilleur des problèmes.

Elle hocha simplement la tête quand Kaeronn acheva et ne répondit pas immédiatement. Elle aurait eu l'impression d'être indélicate en le relançant sur son histoire. Le soupir qu'il avait laissé échapper était bien la seule marque négative, peut-être marquant l'affliction que cette période de sa vie devait lui laisser, qu'il avait émise en sa présence. Et si c'était la seule chose qui lui causait de la peine qu'il avait daigné partager avec elle, elle n'allait pas en rajouter une couche. Pas question de le torturer. Pas question non plus de lui dire à quel point cela la touchait qu'il ait répondu avec une telle sincérité (car elle ne doutait pas un instant qu'il l'ait été). La seule solution qui s'imposa à Sindanarie était simple. Revenant à un sujet plus léger, une lueur narquoise dans le regard, la jeune femme reprit :


Vous pouvez toujours essayer de me faire peur. Cela dit, ne vous sentez pas obligé de me consoler ensuite, je devrais être capable de me remettre et de surmonter une frayeur de plus... Et puis, cela gâcherait votre victoire, vous ne pourriez pas en profiter pleinement. Enfin, essayez, et, avec un peu de chance, vous y arriverez peut-être !

Ca, c'était fait. Elle se redressa, réalisant soudain combien l'un et l'autre s'étaient penchés en avant, et allait en rajouter dans la provocation en ajoutant qu'il s'était laissé effrayer comme un débutant lorsqu'elle était revenue quand un bâillement à la mesure du jour et demi qu'elle avait passé sans dormir (hormis quelques instants de somnolence sur le dos de Vengeance, mais cela ne comptait pas réellement comme temps de sommeil) pour revenir le plus vite possible à Viam. Plaquant brusquement la main sur sa bouche, la jeune femme ne parvint pas à le réprimer et, quand il fut passé, elle laissa retomber sa main et marmonna :

Excusez-moi, je n'ai pas dormi depuis que le Soleil s'est levé hier... Quand j'ai reçu la lettre d'Elric me demandant de revenir le plus vite possible. Pas à cause de vous, n'est-ce pas, il n'est pas sorcier, il n'avait pas deviné que vous viendriez ici et que je n'aurais raté ça pour rien au monde... Enfin bref, je suis là et bien loin de le regretter, mais...

Haussement d'épaules, sourire d'excuse. Elle n'aimait pas battre en retraite, et pourtant elle allait y être contrainte par une fatigue qu'elle n'avait plus ressenti depuis bien longtemps. Même pour la cavalière endurcie qu'elle était devenue, elle venait de se livrer à une chevauchée particulièrement longue (et que dire de l'état de Vengeance, a présent en train de se reposer dans l'écurie du domaine...). Et l'impression d'avoir été battue en chaque partie de son corps comme du linge dans un lavoir s'était soudain imposée à elle. Elle avait toujours été comme ça, dès son plus jeune âge : elle ne sentait la fatigue que lorsqu'il était trop tard pour aller contre elle. Ecartant cette remarque qu'Elric lui avait fait des dizaines de fois, elle continua, presque sans s'arrêter :

Même si je devais ne pas vous lâcher d'une semelle pendant votre séjour ici, cela vous gênerait-il que je vous laisse pour aller dormir quelques instants ? Vraiment dés...

Elle n'eut pas le temps de sentir venir le deuxième bâillement. Re-main plaquée sur la bouche. Regard penaud lancé à Kaeronn. Ca devait bien le faire rire, plus ou moins intérieurement, de la voir dans cet état alors qu'elle était à peu près fraiche quelques instants plus tôt... Elle avait horreur de perdre ses moyens, et c'était exactement ce qui était en train de lui arriver. Elle était complètement en train de perdre pied, au point que la simple idée de rejoindre sa chambre lui semblait un treizième travail d'Hercule. Et quand elle parvint à reprendre contenance, Sindanarie ne put s'empêcher de sourire et de lancer :

Je suis vraiment désolée, quand ça me tombe dessus, c'est infernal...

Se relevant un peu plus péniblement qu'elle ne s'y attendait, s'époussetant machinalement pour faire retomber à peu près droit cette boudiou de saleté de robe du Sans-Nom, la Licorneuse désigna la porte et demanda, toujours sur le ton de la plaisanterie :

Vous permettez ?
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MessageSujet: Re: Une chambre d'invité   Une chambre d'invité EmptyMar 12 Oct - 17:26

Petit silence durant lequel le regard du tonnerrois devait sembler lointain pour la jeune femme. Mais c'est de la meilleure des manières qu'elle lui répondit, relançant les plaisanteries consistant à savoir qui ferait peur à l'autre en premier. Possible que si la Licorneuse avait voulu approfondir son histoire, il eut été beaucoup plus sérieux par la suite. Ou surement aurait il tenté de l'en dissuader. Déjà parce qu'il ne pensait pas pouvoir rendre passionnant un récit tiré de faits réels qui le plongeaient dans un état pensif. Également, et tout simplement, parce que s'il n'avait pas menti à Sindanarie, il ne souhaitait pas non plus lui raconter toute la vérité. Il tenait à sa confiance, et ne ferait rien qui pourrait nuire à celle-ci. Un sourire revint se planter sur ses lèvres, alors qu'il répondait d'un ton qu'il essaya de rendre le plus joyeux possible.

Allons... ne pas en profiter? Moi? Vous plaisantez encore une fois. Le jour où je ne profiterai pas des bêtises que je fais pour me moquer de vous, je serai en piètre état. Et j'espère bien que cela n'arrivera pas avant un bout de temps. Je m'en voudrai sérieusement de tomber malade alors que j'ai la chance de vous voir. Mais vous êtes totalement d'accord je crois.

Sourire malicieux, yeux pétillants, Kaeronn retrouvait toute sa moquerie après ce court passage qu'il pouvait qualifier de délicat. La jeune femme se redressait, et le tonnerrois en fit de même, plus lentement et avec moins d'ampleur. Son sourire s'élargit un peu plus en la voyant bailler à s'en décrocher la mâchoire. Quoi de plus normal après le voyage qu'elle venait de faire? Depuis combien de temps n'avait elle pas dormi? Ah ben un jour et demi, elle lui donnait la réponse. Fichtre! La lettre d'Elric devait avoir une certaine importance pour la faire cavaler ainsi. Pas à cause de lui en tout cas. Mais la pointe de déception qui menaçait d'apparaitre dans sa tête se volatilisa aussitôt à la suite de ses mots.

Je comprends parfaitement. Moi même, il est extrêmement rare que je fasse d'aussi longues chevauchées sans me reposer. En vérité, cela fait même longtemps que cela ne m'est pas arrivé. Mais vous allez me dire, je ne fais parti d'aucun ordre royal, et je suis beaucoup moins pris ainsi par le temps. C'est donc tout à fait normal pour ma part de ne point me crever par d'aussi longues chevauchées. Même si souvent, c'est un plaisir de courir ainsi le royaume.

Il aurait surtout du dire autrefois plutôt que souvent. Quand il était plus jeune, robuste, dans un âge proche de la trentaine, celle ci non atteinte, il avait adoré apprendre à monter à cheval et parcourir ainsi de nombreux lieux. Maintenant, cela le fatiguait un peu trop rapidement, souvent beaucoup plus vite que l'animal. Si dans la vie, il fallait nommer l'imbattable, cela serait le temps et l'âge que Kaeronn choisirait. Et il le savait, il vieillissait, comme tout le monde. Son fils lui, n'avait pas eu le temps de connaitre cet enchainement à la vie. Il l'avait pleuré, mais il n'aurait pourtant pas donné sa place. Non, il aimait trop vivre. Et tant que l'on peut survivre, on se doit de le tenter.

Hum? Je ne dis pas que la perspective de ne plus vous voir jusqu'à... jusqu'à ce que votre repos mérité se termine m'enchante, mais je crois effectivement qu'il vous est plus que nécessaire de dormir. Revenez moi en pleine forme Sinda.

Sourire le plus sincère possible du tonnerrois, qui après une petite pause, rajoute.

C'est moi qui devrait m'excuser de vous avoir retenue après votre voyage.

Puis d'un ton moqueur.

Mais je ne vous permets pas de passer cette porte! Et comme ceci est mon lit, je crois que vous allez devoir vous reposer debout ici. A moins que... je vous fais la grâce d'enlever mes vêtements de cette chaise et vous pourrez ainsi vous assoir.

Il rit doucement alors que la jeune femme souriait de cette taquinerie, ouvrait la porte et disparaissait dans sa demeure. Un instant sans réaction devant le départ de Sindanarie, Kaeronn se releva péniblement et sans prendre la peine de remettre ses bottes, se dirigea vers ses affaires. Sortant de son sac plume, encre et parchemin, il entreprit aussitôt d'écrire un billet.

Citation :
Jabor,

Je resterai quelques jours dans le Limousin. J'ai envoyé Ladriel tenter d'infiltrer Aubenin, maintenant que les Dolancis sont morts. Mais nous n'avons pas encore retrouvé sa trace. Il y a fort à parier qu'il se cache directement du côté du baron de Sanlis lés Dampierre.

Je reprendrai les infos à la source, à Valence. Peut être quelque chose nous a échappé.

Évite le Maine pour l'instant, c'est bourré d'armées.

Kaeronn

Le tonnerrois reposa sa plume en se laissant aller sur la chaise, avant de rouler le parchemin soigneusement et de regarder autour de lui. Il n'avait pas son pigeon sur lui. Et plutôt que d'attendre son retour, il songea à demander à Sindanarie de lui en prêter un. La demeure ne devait surement pas en manquer. Posant le parchemin sur la petite table, il suspendit sa main au dessus. Après tout, pourquoi ne pas aller voir directement Elric, qui lui prêterait surement un volatile?

Non.

Après un court instant de réflexion, le tonnerrois en vint à la conclusion que l'intendant ouvrirait peut être le courrier. Il ne le connaissait pas assez, et l'homme était peut être extrêmement prudent. Surtout envers un inconnu, présent dans la demeure de sa protégée depuis le matin seulement. Mieux valait ne prendre aucun risque. Et il était sur que Sindanarie n'ouvrirait pas la lettre. Quoique? Non, bien sur que non. Elle était Licorneuse. Rien que de par cette fonction, elle ne le pourrait.

Kaeronn sourit légèrement en laissant donc le parchemin roulé sur la table. Puis se leva avec l'intention d'aller voir Tiroll. Et pourquoi pas Elric pendant que Sindanarie dormait.
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